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organisateurs et rédacteurs
HISTORIQUE DE
L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE.
VISITES DE L'
ECOLE D'AGRICULTURE D'HYERES PAR LES ETUDIANTS DE L' ENSH EN 1889 ET 1901
Ces visites ont
permis d'établir des relations étroites et amicales entre les élèves des
deux établissements grace à la présence de professeurs et de chefs de
pratiques issus de l'Ecole Nationale d'Horticulture de Versailles.
L'école d'agriculture
de Hyères existait déjà en 1886 mais nous n'avons les noms de la première
promotion en 1921 et pour la promotion 1919 que le nom d'Alfred Décugis.
Selon les pièces
2558 à 2560 de la série F préliminaire, sous série F10 Agriculture des
archives Nationales. Elle ne faisait pas partie de la première " promotion
" des écoles régionales de 1926 et ne l'était pas davantage a la sortie
de la guerre, mais elle le devint pour la promotion sortie en 1958 (Amidieu
- De Cockborne - Martin) et passa Lycée agricole -(réforme Pisani) en
1965 (Amizet-Bastouill-Serra).
La double évolution
du niveau de recrutement des écoles régionales qui deviennent nationales,
dont le but est la formation de chefs de grandes exploitations, et la
stagnation des fermes écoles formant des ouvriers laisse un hiatus pour
la formation des propriétaires moyens (et sans doute des contremaîtres)
D'où la création des écoles moyennes dites écoles pratiques (1886-1958)
par la loi du 30/07/1875.
En 1916 elles
sont 35 auxquelles il faut ajouter quelques écoles professionnelles. Il
faut noter à ce propos que, très souvent les écoles naissaient d'initiatives
locales et se pérennisaient par des contrats avec le ministère de l'Agriculture.
Le système de 1875 se révéla incapable de fermer le hiatus d'où un arrêté
du 3 Juillet 1926 instituant des écoles régionales (au sens actuel) dont
le rôle essentiel était d'ajouter une troisième année aux deux des écoles
pratiques afin de préparer aux concours des écoles (devenues) nationales.
(Sans doute le Ministère de l'agriculture voulait il garder l'entière
maîtrise de la filière agricole, vieille rivalité avec celui de l'Instruction
publique …..)
A l'origine six
écoles régionales ont été instituées : Antibes, Neuvic, Ondes, Troix-Croix,Le
Chenoy et Arras. A noter que la circulaire du 4/05/1937 ouvre la possibilité
de mettre les ressources des écoles à la disposition de la vulgarisation,
c'est " l'extériorisation " des écoles. (Rapprochement entre DSA et écoles
; racines des futurs Foyers de Progrès Agricoles ?) Il semble que les
dispositions de l'Etat français (1940-1944) favorisent la formation par
la profession elle-même : apprentissage chez les agriculteurs si bien
qu'en 1943 il ne subsistent que 3 Ecoles régionales : Arras, Le Chesnoy,
Ondes…..Après cela doit être la course pour conquérir ce titre……
J .C Moulin
Avec la collaboration
de Claude FOURY qui a retrouvé les différents documents
Ingénieur horticole
et Professeur de Cultures légumière à l'ENSH
Hyères.
Excursion horticole des élèves de 5° année de
l'ENH Versailles promotion 1889-1901
Marseille-Toulon-Cannes-Golfe Juan-Antibes-Nice-Monaco-Vintimille-Lyon-Paris-Versailles
27/4-7/5
Bulletin Association Année 1901
Il est 6 heures du soir quand
nous nous engageons dans l'avenue de la Gare, plantée de Phoenix daclylifera
alternant avec des Platanes; cette voie est très belle. Il serait temps
cependant de supprimer les Platanes pour garder à l'avenue tout le cachet
exotique qui caractérise les plantations d'Hyères
Nous allons aussitôt visiter l'établissement du " Gros-Pin », dont
M. Geoffroy-Saint-Hilaire est directeur.
Un coup d'oeil d'abord au superbe Pin pignon (Pinus Pinea) qui a donné
son nom à l'établissement; cet arbre maguifique se dresse majestueusement
dans un espace découvert, et mesure, à la base, 4 mètres de circonférence.
L'établissement horticole du Gros-Pin s'occupe surtout de la production
des Palmiers et, plus particulièrement, du Phoenix canariensis.Mr. Véran,
chef de culture, qui nous fait visiter, nous donne sur leur culture des
renseignements très intéressants. Le semis se fait de graines récoltées
à l'établissement; on sème en mars, à raison de 25 à 30 graines par pot
de 0m.16; les pots sont placés côte à côte dans des coffres où on les
enterre jusqu'à 0m.01 du bord; à l'automne, on rempote isolément en godets
de 0m,06, qui sont replacés dans les coffres. Parfois, on sème directement
en godets pour éviter ce rempotage. L'hiver, on couvre de châssis ; les
jeunes sujets peuvent ainsi supporter jusqu'à 5°de froid.
Au début de la deuxième année, les plantes sont mises en pots de 0m12,
enterrés dans des planches creusées, et sur deux rangs à Om 50 en tous
sens. Ces planches sont ensuite arrosées par irrigation. Pendant l'hiver
, il est établi au-dessus des plantations une légère charpente soutenant
un écran de rameaux de bruyère, qui protège les plantes contre le froid:
Au début de la troisième année, on rempote en pots de 0m,20 à 0m,22; les
plantes n'ont donc subi que deux rempotages, trois au plus si elles ont
été semées en pots. On vend vers l'âge. de quatre ans, à des prix variant
de 1 fr. 50 à 4 francs; cela est dû, non pas à des différences de développement,
mais à des différences de caractères, car il ne faut pas oublier que dans
les semis de Phoenix les variations sont très fréquentes; le prix moyen
étant de 2 fr. 50, comme il y a quatre plantes par mètre carré, le produit
brut est de 10 francs.
Nous voyons ensuite le hangar aux emballages, où des Phoenix sont préparés
pour être expédiés en Belgique. L'expédition se fait en pots ou sans pots;
dans ce dernier cas, le plus fréquent, la motte est conservée aussi intacte
que possible; on la met dans un pot plus grand, an fond duquel on a placé
un soleil de paille de seigle, ou de joncs dont les brins sout relevés
contre les parois du pot; avec de la mousse fraîche, on entoure
le collet de la plante et on comble tous les intervalles. Les brins de
paille sont réunis sur le collet et fixés par une ligature de Raphia on
de Phormium ; les feuilles sont attachées et la plante est dégagée pour
faire place à une nouvelle tontine.
Quand le pot est conservé, on opère de même, mais on a soin de faire tremper
les plantes dans l'eau avant de les expédier. Cet emballage en tontines
est très rapide et très facile. L'expédition se fait par wagons complets,
contenant environ deux mille plantes.
Nous quittons le hangar pour visiter les serres à multiplication, serres
à Kentia, Ficus, Araucaria, qui sont vastes et très bien tenues; puis,
les serres-abris pour les plantes déjà fortes : Phoenix, Palmiers divers,
Phormium, Araucaria, etc. Elles se composent d'une charpente légère, supportant
des claies en rameaux de bruyère.
On revient à la porte d'entrée par une belle allée plantée de Phoenix
canariensis, portant de nombreux et gros régimes, dont les fruits
presqne mùrs sont d'une belle couleur jaune ; de Magnolia en fleurs, de
Phormium , d'Agave, de Dasylirion, etc.
Après avoir pris congé de Mr. Véran et l'avoir remercié de son amabilité
ainsi que de ses intéressantes explications, nous gagnons la charmante
petite ville d'Hyères, en suivant de magnifiques avenues plantées de :
Phoenix dactylifera, Casuarina equisetifolia, C. tenuissima, Ligustrum
japonicum, Brachychiton populneum et acerifolium, Acacia melanoxylon ou
pyramidalis. Le rond-point de la Gare est célèbre par ses gigantesques
Phoenix canariensis, en ce moment couverts de régimes.
Le lendemain matin, notre temps est bien employé à visiter le Jardin Denis,
la villa « la Blocarde ), l'étahlissement Deleuil et fils, et enfin le
jardin de la Ville (ancien Jardin el'Acclimatation).
Jardin Denis
Ce jardin, qui fut donné à la ville d'Hyères par un grand amateur d'horticulture,
M. Denis, fut planté par ce dernier, il y a une soixantaine d'années,
d'une belle collection de végétaux exotiques dont certains sont uniques
comme beauté pour la région.
Nous le visitons sous la conduite de Mr. François Nardy, jardinier en
chef des jardins et squares de la ville.
M. Nardy nous fait remarquer toute une série de belles
plante, dont je note quelques noms en passant: un magnifique Araucaria
Bidwillii qui a fructitiè il y a quatre ans el a donné sept cônes pesant
de 1à 6 kilogrammes; l'un deux atteignait même le poids de 11 kilogrammes;
des Araucaria Cunninghami, de très beaux Eucalyptus Globulus, des Thuya
gigantea; Livistona sinensis (Latania borbonica), Erythea edulis, des
hakea eucalyptoides et H. suaveolens dont la belle floraison est malheureusement
passée.Nous y voyons 1'Avocatier (Persea gratissima), le Camphrier (Laurus
Camphora, l'Osmanthe (Osmanthus ilicifolius), qui, au Japon, sert à aromatiser
le thé; une belle collection d'Acacias, dont quelques-uns sont encore
en fleurs : Acacia Bartheriana. A. trinervis. A.verticillata. A.retinoides.
A.cultrifornis. A.longifolia.A. rotundifolia, Etc.
Des plantes rares comme l'Oreodaphne foetens, dont les fruits sont un
poison très violent ; l'Inga alba, à belles fleurs blanches et cotonneuses;
le Sapium ilici folium,le Podocarpus macrophyllus, l'Arbutus Unedo, en
exemplaires superbes.
Des plantes que nous voyons en orangerie sous le climat de Paris se présentent
à nos yeux sous de toutes autres proportions; c'est ainsi que nous voyons
des Photinia glabra de 6 à 7 mètres; Laurus nobilis de 12 mètres; Liggustrum
lucidum de 12 mètres; Osmanthus fragrans de 4 à 5 mètres, etc.
Notons aussi une belle petite plante ne dépassant pas 1 mètre à l m 50
très abondante dans la région et avec laquelle on fait de jolies touffes
isolées ou des bordures de massifs; c'est le Teucrum fruticans.
Les plantes grimpantes ne sout pas oubliées; c'est ainsi que nous voyons
des Ephedra altissima, Bignonia capensis, Kennedya bimaculata, garnir
le tronc des grands arhres. L'beure s'avance, rendez-vous est pris avec
M. Nardy pour visiter, un peu plus tard, le jardin de la ville, et nous
nous dirigeons chez M. Dellor.
Villa « La Blocarde
Dès l'entrée de la charmante propriété de M. Dellor, on
remarque une très belle avenue de Phoenix canariensis; c'est la pius belle
de celles qu'il nous sera donné de contempler dans tout le cours de notre
voyage, Les Palmiers qui forment cette splendide avenue sont admirables,
tant par leurs dimensions et leur dèvcloppcment règulier, que par la beauté
de leur feuillage.
La culture des Rosiers Safrano occupe, dans la propriètè de M. Dellor,
une place importante : 3 hectares environ. ils sont cultivés pour la vente
de la fleur coupée en decembre, janvier et février. Plantés en lignes
dislantes de 3 mètres, à 0m,60 sur les rangs, ils ont environ 1 mètre
de hauteur. Leur multiplication se fait de bouturage. Pendant l'été, qui
est, dans ce pays, la période de repos des plantes, on les laisse un peu
souffrir de la sécheresse, puis, en septembre, on taille et on arrose
pour provoquer le dépnrt de la végétation; il n'est fait usage d'aucun
abri. La récolte commence en décembre et les fleurs sont coupées alors
qu'elles sont encore en boutons; elles sont vendues de 0 fr. 50 à
2 francs la douzaine. Une plantation bien conduite dure environ 25 ans.
La variété Safrano est la plus cultivée, mais on fait encore quelques
variétés, comme Marie Van Houtte, Papa Gontier, elc.
M. Dellor nous montre sa très belle collection de Palmiers. Les variétés
de Cocos campestris, désignés par lui sous le nom collectif de Cocos Yataï,
dominent. Le pied mère qui a donné toutes ces formes existe encore au
jardin Hubert; il avait été donné à M. Dellor par l'amiral Serres, qui
l'avait rapporté de Rio-de-Janeiro.
Nous remarquons encore de très beaux exemplaires d'Erythea edulis, dont
M. Dellor se fait en ce moment l'apôtre, et qui ont fructifié, ce qui
est chose assez rare; une collection de Yuccas (Yucca paniculata, albo-spica,
Draconis, etc.; un Acacia longissima glauca, qui est peu répandu; de nombreux
A. dealbata et retinoides; de très beaux exemplaires de Doryanthes Palmeri,
Fourcroya gigantea et F. Bedinghaussi, Cycas revoluta, Laurus regalis,
qui est un poison, Nandina robusta de 1m,50 à 2 mètres de haut; un magnifique
Pinus Sabiniana, espèce rare, dont les aiguilles réunies par trois atteignent
Om,40 de longueur; c'est un pied mâle, car l'arbre est unisexué.
Enfin, il nous reste il signaler de charmants arbustes ne dépassant pas
2 mètres de haut et couverts d'une multitude de petites fleurs; c'est
d'abord le Raphiolepis indica, qui a donné de nombreuses variétès se multipliant
facilement, ainsi que le type, de greffage sur Cognassier; puis, le Rtama
monosperma, l'Osteopermum moniliferum, etc., etc.
Parmi les espèces fruitières, nous voyons des Kakis, des Oliviers, des
Jujubiers, des Orangers, quelques Vignes; puis des Pêchers et des Amandiers.
Sous le charme de la parole de notre aimable cicerone, nous arrivons à
la limite de sa propriètè et pénétrons chez M.Deleuil.
Etablissement de MM, Deleuil et fils.
M. Deleuil s'occupe de la culture des Glaïeuls, Cannas,
Cyclamens, Amaryllis; actuellement, ces plantes sont presque toutes au
repos.
La culture des Glaïeuls y est faite sur une grande étendue pour la production
de la fleur coupée d'octobre à janvier; 300.000 bulbes sont plantés chaque
année en aoüt ; ils sont relevés en mars-avril et, jusqu'à la plantation,
conservés dans des chambres spéciales, bien saines, sur des tablettes,
dans une demi-obscurité et à une température voisine de 8 degrés; là,
un triage très sévère est eflectué. Les bulbes s'obtiennent en plantant
les bulbilles en avril; il faut trois ans de culture pour avoir des bulbes
suffisamment forts et habitués à ce retard de végétation. Cette culture
réussit bien et donne de sérieux bénéfices.
Plus de 400 variétés de Cannas sont cultivées pour la vente des
rhizomes; on les laisse hiverner en pleine terre et, en mars-avril, on
les arrache l'our les replanter immédiatement.
Les Amaryllis donnent lieu à une culture assez importante pour la production
des fleurs et des bulbes.
La culture des Cyclamens se fait en pleine terre, sans abris; les plantes
fleurissent au bout de deux ans de semis.
M. Deleuil nous montre ensuite sa très belle collection d'Aloès: l 'Aloe
Andreana, hybride entre l'A. abyssinica et l'A. IIanburyana; c'est une
très belle plante à feuilles nombreuses de plus d'un mètre de longueur,
à inflorescences volumineuses d'un beau rouge corail vif. L'Aloe Deleuili,
de plus de 2m,50 de diamètre; les A. gigantea, smaragdina, Berbetzi; etc"
etc.
Le .Médéola(Myrsiphyllum aspamgoïdes) est cultivé en pleine terre
et palissé sur flIs de fer.
Nous voyons une plante récente, l'Iris stylosa Val. alba, dont les fleurs
blanches et les qualités de rusticité font une plante d'avenir pour la
feur coupée pendant l'hiver.
Enfin, il convient de citer le Whithania origanifolia (Muguet des Pampas),
qui est encore peu répandu; celle plante grimpante est vigoureuse, en
même temps que rustique, et ses fleurs blanches, qui ressemblent à celles
du Muguet, sont très recherchées par les abeilles.
Notre camarade Granger. se faisant l'interprète de tous, remereie M.Deleuil
de son bon accueil et de ses précieux renseignements.
Jardin de la ville (Ancien Jardin d'Acclimatation)
Ce jardin, qui est une belle conception, est l'oeuvre
de deux architectes distingués: MM. Aumont et Chevalier; les travaux ont
été terminés en 1871.
Nous entrons par une belle avenue d'Eucalyptus, de 20 mètres et plus de
hauteur, dont le fond est formé par des Lauriers-roses (Nerium Oleander),
des Pittosporum undulatum, des Ligustrum lucidum.
Ce jardin, dont la superficie est de 6 hectares environ, est traversé
par une charmante rivière anglaise retenue de place en place par des rocailles,
sur lesquelles les eaux cascadent et vont plus loin alimenter un lac aux
rives gracieusement ondulées, où s'ébattent de nombreux oiseaux aquatiques.
Nous remarquons un très bel exemplaire de Corypha Ausralis abrité par
des Eucalyptus, des Washingtonia robusta, Corypha Gebanga, Sabal umbraculifera
; une belle collection de Lierres et de très beaux rideaux formés de Melaleuca
parvifolia.
Enfin, près la porte principale par où nous sortons, nos regards sont
attirés par de très beaux Pinus Pinea et un magnifique Eucalyptus Globulus
de plus de 30 mètres de haut et de 4m,50 de circonférence à la base.
De Hyères à Cannes. Le chemin de fer du sud de la France,
de Hyères à Saint-Haphaël, inauguré en 1889, offre une des plus
délicieuses promenade 5 que l'on puisse faire sur le littoral méditerranéen.
Cette ligne traverse des sites merveilleux, extrêmement variés et pittoresques.
Nous quittons Hyères à midi et demi et traversons d'abord les magnifiques
jardins de la ville, les plantations de Rosiers et de Vignes, si vastes
et si fréquentes autour de cette ville; puis les marais salants de Saint-Nicolas,
Meauvaune et des Salins.
A notre droite, la pleine mer; à gauche, la chaine des Maures, dont les
flancs sont reboisés en Pins d'Alep.
Le chemin de fer s'engage ensuite dans un pays très accidenté, couvert
par la belle forêt de Bormes, composée de Pins d'Alep et de Chênes-liège,
dont la couleur rougeâtre des troncs dans leur partie écorcée forme contraste
avec l'aspect sombre de leur feuillage.
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Hyères.
Excursion horticole des élèves de 3° année de
l'ENH Versailles promotion 1901-1904
Toulon-Hyéres-Cannes-Antibes-Monaco-Gênes-Milan retour par
la Suisse-Paris-Versailles 27/4-7/5
Bulletin Association Année 1904
HYERES
Partis de Versailles avec M. Lafosse, directeur des études,
le samedi 30 avril, à 8 h. 38 du soir, nous arrivons à Hyères le dimanche
6 soir, à 8 h. 50. Depuis vingt-quatre heures, nous sommes en chemin de
fer, sauf un arrêt de quatre heures à Marseille, pour jeter un coup d'oeil
rapide sur la ville et le port; aussi, sommes-nous heureux d'arriver enfin
à Hyères où commence réellement notre excursion.
M. Nanot, directeur de l'Ecole, qui nous a précédés d'un jour, afin de
préparer toutes choses, nous attend à la gare, avec des voitures, pour
nous conduire à l'hôtel. Il nous préseute M.Foussat (Promtion 1977 , Profeseur
de botanique et d'Horticulture) ancien élève de Versailles, professeur
à l'Ecole pratique dHorticulture d'Hyères, qui a bien voulu nous guider
dans la région hyéroise.
M. Nanot nous annonce que les cultures à visiter étant assez éloignées
les unes des autres, il a retenu des voitures pour la journée entière
du lundi; cette nouvelle est accueillie par tous avec la plus vive satisfaction;
certains, qui commençaient déjà à trouver les valises bien lourdes et
bien encombrantes, prétendent même qu 'ils ont oublié les fatigues de
ce long voyage.
Le lendemain matin, à 7 heures, nous partions eu voiture. L'étonnement
a été général lorsque nous avons pu admirer ces belles avenues de palmiers
où se remarquent aussi de superbes Casuarina tenuissima. Les palmiers
qui composent ces avenues appartiennent aux plus belles espèces, parmi
lesquelles nous avons noté: Phoenix dactylifera, Phoenix canariensis,
Trachycarpus excelsa, Washingtonia filifera. En dehors de ces belles promenades,
la ville constitue par, son ensemble un vrai jardin: partout, sur les
murs, les grilles, les pergolas , etc., croissent à profusion des rosiers
grimpants émaillés de leurs fleurs éclatantes, formant de vrais écrins
multicolores où se rencontrent les contrastes les plus frappants. Presque
toutes les maisons sont des villas inbabitées pendant l'été et louées
à des prix très élevés, pendant la saison d'hiver. On y trouve une grande
quantité de beaux arbres, de très jolis arbustes, des palmiers divers
et enfin beaucoup de plantes herbacées à fleurs. Les quartiers populaires
mêmes paraissent jouir d'une certaine aisance, d'une gaîté qu'on ne rencontre
pas dans nos contrées septentrionales.
Hyères est un point privilégié de la côte, autant au point de vue du climat
qu'à celui de la fertilité. Le sol y est riche et, chose des , plus importantes,
l'eau ne fait défaut nulle part pour les irrigations. On la monte à l'aide
de norias, et souvent même on la trouve à une faible profondeur.
C'est pour cette raison que la.culture potagère y est, aussi très florissante.
En un mot, Hyères et ses environs forment un immense jardin mixte où se
trouvent réunis les légumes et les fleurs.
Etablissement Sénès.
Après avoir admiré l'établissement du « Gros Pin» et le
« Jardin de la ville (1) », nous nous rendons, accompagnés de MM. Foussat,
Nardy père et fils, à l'établissement Sénès, où des cultures de fraises,
de haricots, de pêches sont entreprises. Ici, comme dans toute la région
méditerranéenne, se pratique l'arrosage par irrigation. L'eau est élevée
dans une citerne supérieure à l'aide d'une noria, actionnée par un moteur
à gaz. L'installation complète a nécessité une dépense de 1O,OOO francs,
les frais s'élèvent à 0 fr. 40 de l'heure pour un débit de 1,000 litres
à la minute. Les plantes, semées sur des crestains(petits ados) regardant
le midi, sont arrosées suivant les besoins.
M. Sénès nous accueille avec une bonne grâce parfaite, et nous donne,
sur ses cultures, toutes les explications que nous pouvons désirer. Afin
de rendre ses démonstrations plus pratiques, il fait venir un ouvrier
qui exécute devant nous les opérations nécessaires pour irriguer plusieurs
lignes de crestains.
(1) Les élèves de la promotion 1.898 ayant fait en 1.901,dans
le midi de la France, une excursion presque analogue il la nôtre, nous
passerons sous silence, pour éviter autant que possible les redites, les
observations qui ont déjà été publiées dans le bulletin de 1901.
La cueillette des fraises est faite par des ouvrières,
dont le salaire journalier s'élève à 2 fr. 25. Les fruits sont récoltés
dans de petits seaux, puis emballés dans des paniers d'osier, pouvant
en contenir 800 à 900 grammes. Dans le courant de mai, ces paniers garnis
se vendent au prix de 2 fr. 50 pièce. On les réunit dans des cageaux pour
les expéditions lointaines. Pour les transports à faible distance, l'emballage
a lieu dans des petits. pots que l'on coiffe d'un cornet de papier.
Etablissement Novik et Cie.
L'établissement Novik est établi en vue de la culture des primeurs. Les
châssis, au lieu d'être disposés sur des coffres bas, recouvrant immédiatement
les plantes; sont, à l'aide d'une charpeute sommaire, maintenus au-dessus
de la surface cultivée il une hauteur qui varie entre 1m,40 et 2m,20.
Leur ensemble constitue un vrai hangar couvert, permettant l'exécution
des travaux de culture avec la même facilité que s'ils étaient faits en
plein air.
En 1902, la surface couverte atteignait 2,600 mètres carrés; en 1903,
une construction nouvelle recouvrait 34 ares de plus; soit une surface
totale couverte de 60 ares. Les châssis sont de mêmes dimensions que ceux
employés par les maraichers parisiens, soit 1m,40X1m,60, et leur prix
de revient, posé et vitré, atteint le chiffre de 12 francs.
Au total, la surface couverte comporte 2.400 châssis, de la valeur de
28,800 francs, équivalant à une dépense de 4 fr. 80 par mètre carré.
Les cultures entreprises ont donné jusqu'à ce jour les résultats suivants:
des haricots Noir de Belgique, semés vers le 25 janvier, furent récoltés,
les premiers le 12 avril, et successivement jusqu'au 12 juin. Les prix
de vente de cette récolte ont oscillé entre 10 francs,8francs,6fr. 50,
5 fr, 50 le kilogramme. Une plantation de melons, exécutée
la fin de mai, occupa de nouveau, et jusqu'à la fin de 'l'année, la surface
couverte.
La deuxième année, des pois hâtifs furent semés en octobre. La production
se prolongea un mois, à partir du 15 décembre, et le prix moyen de la
récolte se maintint aux environs de 2 francs le kilogramme.
En deuxième saison, et après un labour et une fumure, vers la date du
20 janvier, un semis de haricots Gloire de Deuil fut exècuté en même temps
qu'on plantait des tomates sur une partie de la surface.
La récolte des haricots commença le 24 avril, pour se poursuivre jusqu'en
juin. Leurs prix de vente restèrent comparables à ceux de la première
année. Les tomates trouvèrent preneurs à 0 fr. 30 le kilogramme.
La culture de troisième année débuta le 22 septembre, par un semis de
haricots, dont la première récolte se fit le 27 novembre. Les prix de
vente, variables, furent au début de 3 francs le kilogramme, pour atteindre
5 francs vers le 12 décembre.
Ecole pratique d'Horticulture d'Hyères.
Fort coquette et ne manquant pas de charme, cette école
est, de plus, très bien installée pour l'enseignement de l'horticulture
régionale.
A l'entrée et autour des bâtiments se trouve un petit jardin d'agrément,
où sont réunis des spécimens des végétaux d'ornement les plus importants
de la région méditerranéenne.
Nous visitons les cultures; mais déjà les deux écoles soeurs fraternisent
ensemble, et tous les jeunes élèves d'Hyères sont pour nous des guides
en même temps qu'autant d'amis.
Ici, les rosiers sont espacés seulement de 2 mètres entre les lignes,
et les variétés cultivées sont:
Papa Gontier, rouge clair ;
Marie Van Houtte, jaune crème. Cette variété s'expédie en boutons;
Paul Nabonnand, rose, se vend très bien, mais pourrit très facilement;
Safrano, la plus cultivée et celle qui résiste le mieux au mistral.
La taille s'applique en trois fois, afin d'avoir une floraison successive.
Sur les bords des plantations sont des Mimosa floribunda (Acacia retinodes
var. floribunda), qui sont taillés du 15 juillet au 15 août, puis arrosés.
Enfin, les rosiers sont coutre-plantés de pommes de terre et de haricots
ou petits pois, en hiver.
M. Rothberg, directeur, nous informe que la vente des roses faiblit considérablement
depuis quelques années.
Le système d'arrosage est constitué d'une citerne recevant 60 à
70 mètres cubes d'eau par jour, venant des casernes. Ce réservoir, d'une
contenance de 80 mètres cubes environ, est placé sur le point culminant
de l'établissement et permet l'irrigation facile par le moyen de caniveaux
construits à la surface du sol.Cette eau d'égout n'est pas
distribué seule, mais mélangée avec de l'eau ordinaire, que pompe
une noria mue par un moteur de huit chevaux.
Un vignoble de 2 hectares, dont les cépages sont greffés une partie sur
Riparia et l'autre sur Rupestris du Lot, produit en abondance un bon vin
ordinaire, nécessaire il l'alimentation et aux besoins de l'Ecole.
Dans les carrés cultivés, nous voyons des touffes de Rosa indica major;
c'est ce plant qui, en raison de sa résistance à la chaleur, sert de porte-greffe
dans le Midi.
Sur un hectare de terrain nu, une culture de melons va être entreprise.
Nous voyons aussi quelques arbres fruitiers en plein vent, mais le mistral
fait généralement tomber les fruits et empêche toute récolte sur les arbres
de haute tige.
M. Foussat nous montre encore une plaine d'artichauts « violet de Provence
», variété la plus cultivée dans la région; puis une collection de raisins
de table, dont les greffes viennent de Versailles; plus loin, une culture
de haricots, plante qui réclame des arrosages copieux.
Les cultures de violettes sont sujettes à « la grise », affection
que l'on combat en coupant au ras du sol toutes les feuilles, lesquelles
sont utilisées comme fourrage.
Nous arrivons à la culture sous verre, qui peut se diviser comme suit:
D'abord, une serre à deux versants, dans laquelle on multiplie
les oeillets et quelques autres plantes; puis une série de serres semblables
pour hiverner des palmiers. Une culture de melons assez importante est
entreprise à l'aide de là variété Prescot amélioré de Paris. Les semis
commencent au f5 décembre et la première récolte a lieu fin mars (cette
année, au 28 mars). Un melon se vend en moyenne 8 à 10 francs.
Quelques châssis sont occupés par des fraisiers Dr Morére, dont le forçage
commence vers les premiers jours de novembre.
Enfin, nous parcourons un petit jardin fleuriste.
Les pêchers greffés sur franc, dans le Midi, réussissent mieux que ceux
greffés sur amandier, à cause de la sécheresse. On doit les traiter en
basse tige pour éviter les désastreux effets du mistral.
Nous examinons aussi un petit carré consacré il une pépinière de pêchers
et de vignes-boutures.
La visite terminée, M. Rothberg, le directeur de l'Ecole, nous invite
très gracieusement à goûter l'excellent vin blanc produit dans l'Ecole.
M.Nanot, en de chaleureuses paroles, remercie M. Ilothberg de son accueil
bienveillant, et nous buvons à la prospérité des deux écoles et à l'avenir
de l'Horticulture.
M. Rothberg nous exprime alors toute sa satisfaction de nous voir pour
un moment, dans son établissement, fraterniser avec ses propres élèves.
Une pépinière de palmiers.
Après avoir, pendant une petite demi-heure, trotté sur
la route, dans la direction du nord-ouest, nous arrivons à un établissement
bien intéressant, celui de M.Couffourier, où on ne cultive que des palmiers,
et presque exclusivement des Phoenix. Ce sont des plantes qui sont cultivées
pour être vendues à Paris, après un séjour en serres.
Nous remarquons, détail caractéristique et qui fait la qualité des palmiers,
la grosseur de la base des feuilles, renflée en une sorte de bulbe. En
trois mois de culture en serres, on obtient ainsi des plantes trapues
et recherchées. A côté d'un lot de palmiers vendus s'en trouve un autre
placé sous des abris de toile, en pots sur couches et dans des serres
sommaires.
Ces palmiers sont vendus à un prix vraiment incroyable de bon marché.
De superbes plantes, cédéesà 8 francs pièce, auraient, à qualités
égales, la valeur de 30 à 35 francs à Paris. La différence de prix n'est
pas négligeable et l'on est obligé de constater qu'ici encore, l'intermédiaire
emporte plus de bénéfices que le producteur lui-même.
L'emballage se fait à racines nues et après avoir coupé le tirebouchon
que forment les racines dans le fond des pots.
La culture a lieu dans la terre franche; ici, le sol est même un peu glaiseux
et les plantes sont cependant d'une santé rernar-. quable. Le fait tient
au climat, à la température élevée et à l'irradiation solaire plus intense
que dans les régions septentrionale, où la culture de ces mêmes plantes
est faite dans un compost contenant une forte proportion de terre de bruyère.
Les plantes de rebut, appelées rossignols, subissent un traitement tout
spécial; on leur coupe les feuilles au printemps et on les met en pleine
terre. Ils forment alors, l'année suivante, de belles plantes. Pendant
l'annèe , ils subissent trois relevages : l'un en septembre, le deuxième
en mai, le troisième en juillet-août avec mise en pots. Les semis se font
quelquefois en pleine terre. On sème aussi soit en pots, en mettant une
pincée de plâtre dans le fond des pots pour empêcher les racines de sortir,
soit dans des petits godets ayant trois petits trous sur les côtés, avec
un fond étanche, sans quoi la racine pivote et la plante est perdue.
Mais lorsqu'on met du plâtre au fond, il faut veiller à ne jamais trop
arroser, surtout pendant la germination. La graine est placée au fond,
presque sur le plâtre, et enterrée de toute la hauteur du pot. On sèvre,
c'est-à-dire qu'on coupe le pivot de la plante un mois avant de rempoter.
Le transport d'un wagon contenant 2.500 il. 2.800 de ces plantes coûte
400 francs, pour Paris, et le double environ pour l'Allemagne; afin de
faciliter l'envoi, on lie les feuilles en paquets en même temps qu'on
rempote les plantes dans des pots de quinze.
La visite de l'important établissement de M. Couffourier étant terminée,
les voitures nous conduisent au Jardin Denis et au square des Palmiers.
Le soir, à l'hôtel des Etrangers, nous fraternisons de nouveau avec les
élèves de l'Ecole d'Hyères qui ont accepté notre invitation; M.M. Foussat,
Bessey et Duriez, anciens élèves de Versailles, les accompagnent.
Au dessert,M.Nanot adresse de chaleureux remerciments à M. Foussat, pour
la part contributive qu'il a prise à diriger nos pas dans notre course
à travers les beautés horticoles de la ville d'Hyères, M, Foussat répond
que c'était pour lui un devoir agréable d'agir comme il l'a fait, et qu'il
est prêt à recommencer.
On se sépare en emportant un excellent souvenir de cette belle journée.
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